Réflexion spirituelle – Pâques 2021

SUR LES APPARITIONS DE JÉSUS RESSUSCITÉ

Pâques n’est pas seulement une fête liturgique à célébrer, c’est un processus dans lequel il faut entrer et vivre. Lorsque Jésus a dit à ses disciples de prendre leur croix et de le suivre, il nous invitait à participer à son mystère pascal, qui comprend sa passion, sa mort et sa résurrection, les apparitions à ses disciples, son ascension au ciel et l’envoi de l’Esprit qui donne naissance à l’Église à la Pentecôte.

L’étape la plus négligée et la moins comprise de ce processus est celle des apparitions de Jésus, ce qui est évident car elles ne sont pas mentionnées dans les mystères glorieux du rosaire ou du credo, ni dans le canon eucharistique. C’est regrettable, car les apparitions de Jésus ont beaucoup à nous apprendre.

Les Écritures nous disent qu’il a passé quarante jours au milieu d’eux pour leur parler du royaume de Dieu (Actes 1:3), de sorte que vivre dans le règne de Dieu devrait également être notre objectif. Je pense que Jésus leur enseignait aussi à porter le deuil et à pleurer sa perte, car ils ne pouvaient pas le reprendre tel qu’il était avant – il était ressuscité pour un nouveau type de vie, la vie éternelle qu’il veut partager avec nous. Cela explique pourquoi il a dit à Marie-Madeleine « de ne pas s’attacher à lui », puisqu’il n’était pas encore monté vers le Père.

Plus particulièrement, le fait que personne n’ait reconnu Jésus lorsqu’il leur est apparu pour la première fois nous donne une autre leçon importante : la nécessité de regarder plus profondément pour le reconnaître dans les personnes et les événements de notre propre vie quotidienne, en particulier les pauvres.

Étant donné l’humilité de notre Dieu, qui agit le plus souvent de manière cachée et invisible, tout comme la levure dans la pâte, il n’est pas surprenant que Dieu soit le plus à l’aise avec les pauvres, les marginaux, les exclus. Ce n’est pas un hasard si Jésus est né dans une étable et s’il est mort entre deux criminels sur une croix.

Quel défi pour nous de vivre cette vérité, tentés que nous sommes de placer notre foi dans les possessions, le prestige et le pouvoir – les faux dieux que Jésus a rejetés lorsqu’il a été tenté par eux dans le désert. Nous avons la chance que beaucoup de saints aient enseigné et vécu une option préférentielle pour les pauvres. La devise des Oblats de Marie Immaculée, dont je fais partie, est Evangelizare Pauperibus Misit Me – « Il m’a envoyé évangéliser les pauvres ». Sainte Mère Teresa de Calcutta a enseigné ceci : « Ce que nous voudrions faire pour Jésus que nous ne pouvons pas voir, nous devrions le faire pour la personne près de nous, que nous pouvons voir, et nous le ferons ainsi à Jésus. »

Frédéric Ozanam, dans une lettre à Louis Janmot, le 13 novembre 1836, le dit encore plus directement : « Les hommes comme les pauvres, nous les voyons avec les yeux de la chair; ils sont là et nous pouvons mettre le doigt et la main dans leurs plaies et les cicatrices de la couronne d’épines sont visibles sur leur front et à ce moment, l’incrédulité n’a plus lieu d’être et nous devons tomber à leurs pieds et dire avec l’Apôtre : ‘Tu est Dominus et Deus meus.’ Vous, les pauvres, êtes mon Seigneur et mon Dieu ! Vous êtes nos maîtres, et nous serons vos serviteurs. Vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas et, ne sachant pas l’aimer autrement, nous ne pouvons que l’aimer en votre personne. »

Une personne qui a vécu cette spiritualité pascale est le regretté compagnon vincentien et diacre Hyland Fraser, qui a participé avec moi à un pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe à Mexico. Lors d’une excursion dans un marché populaire, notre groupe a remarqué un couple assis sur le trottoir, en train de mendier. Il est repassé près d’eux alors que le groupe faisait ses courses.

Cette fois, motivé par l’appel du pape François à montrer aux autres la miséricorde de Jésus en tendant la main et en touchant les pauvres, il s’est agenouillé dans la rue, les a regardés dans les yeux, leur a donné de l’argent et, plaçant sa main sur leur tête tout en tenant une de leurs mains, leur a donné une bénédiction. Il leur a ensuite demandé de lui donner leur bénédiction. Ils ont hoché la tête, placé leurs mains sur sa tête et l’ont béni. Il a été profondément ému par cette rencontre et avait les larmes aux yeux lorsqu’il a humblement partagé une homélie avec notre groupe le lendemain. Après avoir vu tant d’églises recouvertes de dorures, il n’avait pas tant trouvé le Christ dans ces églises que dans cette rencontre avec un couple de pauvres.

Le pape François, lors d’un discours prononcé devant un rassemblement de mouvements populaires, a dit ceci : « Et que chacun d’entre nous répète de tout cœur : aucune famille sans logement, aucun paysan sans terre, aucun travailleur sans droits, aucun peuple sans souveraineté, aucune personne sans dignité, aucun enfant sans enfance, aucun jeune sans possibilités, aucun vieillard sans une vieillesse vénérable. Continuez votre lutte et, s’il vous plaît, prenez grand soin de la Mère la Terre ».

Tout cela nous invite, en ce jour de Pâques, à vivre le mystère pascal et surtout les apparitions de Jésus, en nous efforçant de le reconnaître dans le visage des pauvres qui nous entourent.

Archevêque émérite Sylvain Lavoie, OMI
Conseiller spirituel nation

Réflexion-spirituelle-Pâques-2021