Unir la foi au vécu par la force d’une église pascale
De son vivant, saint Oscar Romero a déclaré que « nous, chrétiens et chrétiennes, ne vivons pas assez profondément à l’image de Jésus Christ. Notre foi et notre vie sont dissociées (nous nous contentons de prêcher la foi ou de la célébrer par la liturgie sans mettre vraiment en pratique l’amour et la justice). Pour représenter une église véritablement pascale, il nous faut faire acte de conversion, nous redonner fondamentalement au Christ, dont nous devrions être le miroir. »
Par ce cri du cœur, l’archevêque martyr Romero nous demande en fait de « vivre » Pâques au-delà de sa célébration liturgique. Lui-même prêchait par l’exemple, ce qui devrait nous inciter à noter les mesures qu’il nous propose à cette fin. D’ailleurs, la crise actuelle, qui nous empêchera de nous rassembler pour célébrer Pâques, souligne peut-être l’à-propos d’en injecter l’esprit et le sens profond d’autres façons pratiques dans notre quotidien.
L’archevêque nous exhorte à incarner Jésus pour les autres, à les faire découvrir le Christ en chair et en os. Il nous lance ensuite le défi d’allier la foi à la vie, d’y équilibrer action et contemplation, de prier pour la paix dans notre défense de la justice, d’aller au-delà de belles liturgies pour les traduire en actes de charité concrets. La famille vincentienne ne peut se reposer sur ses lauriers : nous devons aussi acclamer que l’expression de notre foi en Jésus par nos actes caritatifs est notre raison d’être.
Le saint martyr nous demande ensuite de faire acte de conversion—de metanoia, mot grec désignant, par extension, l’acte de retrouver notre meilleure noblesse, d’offrir le meilleur de nous-mêmes. Nous pouvons trouver dans le Triduum de la Semaine sainte des façons de répondre au message du père Romero et de vivre notre foi plus à fond.
Le Jeudi saint compte trois thèmes : le sacerdoce ministériel, l’institution de l’Eucharistie et le rôle central du service dans la chrétienté. L’évangile (Jean) pour ce premier jour du Triduum traite du lavement des pieds, geste symbolisant notre dévouement et notre service à Jésus par nos œuvres auprès des pauvres.
Le Vendredi saint nous implore de vénérer Jésus non seulement dans sa souffrance sur la croix, mais dans notre propre volonté de vivre le calvaire au fil des jours, d’accepter résolument la souffrance, sans rancœur ou amertume, à l’image de Jésus, acte rédempteur qui nous lie à son supplice.
Cela peut surprendre, mais Pâques, c’est connaître une vie nouvelle et éternelle en vivant le deuil et en accordant le pardon. Chaque apparition de Jésus servait justement au pardon des disciples qui l’avaient trahi, renié et abandonné. Et celui-ci a dit à Marie-Madeleine de ne pas s’accrocher à lui, mais de faire le deuil de l’être physique qu’elle avait connu pour ensuite laisser vivre en elle le nouvel esprit de Jésus, ce qui s’est réalisé à la Pentecôte. Ainsi, à Pâques, nous voici invités à pardonner sincèrement les offenses et à faire le deuil de ce que nous avons perdu dans nos vies pour que nous puissions accueillir à nouveau en nous l’Esprit de Jésus.
Que l’Esprit du Seigneur ressuscité nous accompagne alors que nous célébrons le renouvellement de la vie de Jésus et mettons tout en oeuvre pour que notre propre vie incarne le message de saint Oscar Romero.
Archevêque Sylvain Lavoie, O.M.I.
Conseiller spirituel national